L’éco-conception : créer avec conscience
Le design graphique peut nous sembler un domaine presque « immatériel ». Même en tant que créatifs, il n’est pas toujours évident de percevoir l’impact environnemental de nos productions. Et pourtant, le graphisme, qu’il soit imprimé ou numérique, laisse bel et bien une empreinte. Dans un contexte de crise climatique grandissante, il devient essentiel de repenser nos façons de créer. En tant que professionnels de l’image, nous avons une responsabilité : celle de concevoir de manière plus consciente et durable. Parmi les initiatives récentes, un concept initié par Sylvain Boyer se distingue : l’éco-conception, aussi appelée éco-branding. Son but ? Réduire significativement l’empreinte écologique de la communication visuelle, sans sacrifier l’impact créatif. Dans cet article, je vous propose de découvrir les fondements de cette approche et des pistes concrètes pour l’appliquer au quotidien. 1. L’éco-conception, c’est quoi exactement ? Selon le Ministère de la Transition Écologique, l’éco-conception consiste à intégrer la protection de l’environnement dès la conception des biens ou services. Son objectif est de réduire les impacts environnementaux des produits tout au long de leur cycle de vie : extraction des matières premières, production, distribution, utilisation, et fin de vie. Appliquée au design graphique, cela signifie intégrer des principes écologiques dès la phase d’idéation d’un projet visuel. Il s’agit de penser, dès le départ, à limiter l’impact environnemental non seulement du produit fini, mais aussi de tout son processus de conception. Que ce soit pour un packaging, un flyer, ou un site web, chaque décision compte. On a souvent tendance à penser que faire imprimer son flyer sur du papier recyclé suffit à faire de l’éco-conception. En réalité, ce n’est pas tout à fait le cas. C’est un bon début, certes, mais ce geste isolé ne suffit pas à rendre un projet véritablement éco-responsable. 2. Design numérique et impact invisible Comme je le disais précédemment, le design numérique a bel et bien un impact environnemental, bien qu’il soit souvent invisible. Un site web, par exemple, peut sembler immatériel, mais il nécessite de nombreuses ressources pour fonctionner. Derrière chaque page consultée se cache une infrastructure physique : des serveurs, des centres de données (data centers), des câbles, des routeurs… Tous ces éléments consomment de l’électricité en continu, et génèrent de la chaleur qu’il faut ensuite évacuer, souvent grâce à des systèmes de refroidissement utilisant de grandes quantités d’eau. L’hébergement web est ainsi l’un des postes les plus énergivores. Plus un site est lourd (images haute définition, animations, polices multiples, vidéos intégrées), plus il demande de bande passante et de ressources serveur — donc plus il consomme d’énergie. À titre d’exemple : Et cela concerne tout ce qu’on conçoit : un site web, une newsletter, une image, une police… Plus les fichiers sont lourds et complexes, plus leur empreinte environnementale augmente. C’est pourquoi en design numérique, chaque choix compte : poids des images, typographies, animations, scripts… L’éco-conception graphique vise justement à réduire cet impact dès la phase de création, sans nuire à l’expérience utilisateur. 3. Design imprimé : faire mieux avec moins En ce qui concerne le design imprimé, il est souvent plus facile de percevoir son impact. Notamment parce qu’il génère directement des déchets, comme c’est le cas pour les packagings, les flyers ou les affiches. C’est pourquoi il devient indispensable de réfléchir à l’éco-conception en amont, dès la phase de création. Ces dernières années, on a vu disparaître peu à peu les emballages plastiques, remplacés par des alternatives en papier ou en carton. C’est un bon premier pas, mais on peut toujours aller plus loin. Choix des matériaux, formats optimisés, encres végétales, impression à la demande, limitation des aplats… chaque détail compte pour réduire l’impact environnemental d’un support imprimé. À titre d’exemple : 4. Bonnes pratiques concrètes pour un graphiste IIl existe de nombreuses façons d’ajouter sa pierre à l’édifice et de réduire notre impact environnemental. Certains gestes sont plus simples à mettre en place que d’autres, mais l’essentiel est d’avoir conscience de cet impact et de vouloir agir. Voici une liste non exhaustive de conseils pour rendre nos créations plus responsables : 5. Travailler avec des clients en toute transparence Une part importante de notre métier, c’est aussi la sensibilisation. De plus en plus d’entreprises sont conscientes de leur impact écologique et agissent en ce sens — mais ce n’est pas encore le cas de toutes. C’est pourquoi il est essentiel d’apprendre à éduquer nos clients sans les braquer, en leur proposant des alternatives plus responsables et faciles à mettre en œuvre. Et même si votre client accorde peu d’importance à l’écologie (eh oui, ça existe encore !), n’hésitez pas à lui rappeler les bénéfices concrets qu’il peut en tirer.– Par exemple : réduire le nombre de couleurs sur un packaging peut aussi faire baisser les coûts d’impression.– Choisir des formats optimisés permet de limiter les chutes et les pertes. L’éco-responsabilité ne coûte pas forcément plus cher : elle peut même être synonyme d’économie, de bon sens… et d’une image de marque positive et engagée. 6. Outils et ressources utiles Pour adopter une démarche d’éco-conception graphique, il existe aujourd’hui de nombreux outils et ressources pratiques qui peuvent nous accompagner au quotidien. Parmi les plus utiles, on retrouve des calculateurs d’impact environnemental comme EcoIndex (pour évaluer la performance écologique d’un site web) ou encore Carbonalyser, une extension qui mesure la consommation d’énergie liée à notre navigation. Pour l’impression, des plateformes comme Ressource Studio ou La Belle Empreinte aident à faire des choix plus durables (types de papiers, encres, procédés d’impression). En typographie, des fonderies comme Velvetyne ou The Good Type Foundry mettent à disposition des polices conçues avec une approche éthique et responsable. Enfin, des guides comme le Guide de l’éco-conception graphique de l’ADEME ou les Green Guidelines de Designers Éthiques sont d’excellentes bases pour s’informer, tester, et aller plus loin dans ses pratiques. Conclusion L’éco-conception graphique n’est pas une tendance, c’est une nécessité. En tant que créatif·ves, nous avons un rôle à jouer dans la transition écologique, en questionnant nos choix, en repensant nos habitudes, et en sensibilisant nos